Amiens, le 11 Décembre 1966, Fédération Nationale des Déportés et Internés, résistants et patriotes, 10 Rue Leroux, P A R I S (XVIe)
Chers Camarades,
A la suite de nos appels dans la presse concernant la levée des forclusions, j’ai été appelé la semaine dernier à rendre visite, sur sa demande, à un camarade interné. Ce camarade est Israélite, il est très connu à AMIENS, c’est un membre du bureau de l’A.D.I.F.
Il m’a soumis son cas, après l’avoir exposé vainement aux responsables de l’A.D.I.F. Je dois ajouter que ce camarade est un partisan de l’unité et que son action a pesé jadis dans la balance. Il en est autrement maintenant, il n’assiste plus aux réunions, il est âgé de 88 ans.
Ce camarade AARON, Lucien, ne le 22 avril 1878, a été interné comme juif au camp de Drancy du 4-1-44 au 5-2-44 – M1e 17.701. Etant donne
qu’il était déjà âgé a l’époque et qu’il était marié avec une aryenne, chose qu’il a fait valoir, il a été transféré de Drancy au camp de LAMBLARDIE – 7 Rue de Lamblardie à PARIS – annexe de Drancy dit il, du 5-2-44 au 15-6-1944. Du 15-6-1944 au 5-9-44 en résidence forcée au camp des Abondances, 11 Rue des Abondances à BOULOGNE-SUR-SEINE. Il a été libéré à cette date.
Il a fait une demande de carte d’interné à laquelle une décision de rejet No. 1550 du 8-4-1955 a été opposée. Il n’a pas fait appel à cette décision.
La décision de rejet est motivée par le fait que ce camarade n’a pas 3 mois internement, la commission ne retenant que la période passée au camp de Drancy.
Il affirme que le camp de Lamblardie était une annexe de Drancy et que des convois pour la déportation sont parties de ce camp.
J’ai fait valoir à ce camarade qu’il n'était pas possible pour lui d’établir un nouveau dossier suite à la levée des forclusions et aussi qu’il aurait du faire appel à la décision de rejet de sa première demande de carte. Je lui ai promis néanmoins que j’interviendrai pour savoir comment était considéré le camp de Lamblardie et si nous avions connaissance d’autres camarades qui étaient dans son cas.
C’est un brave homme. Je suis resté 2 heures chez lui et je l’ai vu pleurer en me racontant toutes les vexations endurées avant son arrestation et ses souffrances et ses angoisses pour les siens, il avait 4 enfants qui ont réussi à se cacher. Je répète qu’il est très connu à AMIENS et dans le département, il a eu pendant un certain temps un rôle important au sein de la communauté juive.
Je ne sais ce que l’on peut faire pour lui; tout est sans doute en direction de ce camp de Lamblardie. Vous pourriez sans doute vous renseigner à ce sujet et me mettre à même de lui faire connaître la suite que nous pourrons donner à son cas.
Avec mes remerciements, je vous prie de croire, Chers Camarades, à mes sentiments amicaux.
Non-signé mais à juger d’autre correspondance cette lettre serait de la main de Camarade BOEN
Source: Archives de l’ADIRP
FIN