Marc Adler explique comment il a appris que les Juifs devaient se faire recenser
(Voyez Fiche # 2)
Amiens, le 18 octobre 1940
Bureau de recensement des israélites
Monsieur,
Je lis dans le journal que les israélites doivent venir s’inscrire sur un registre spécial tenu par la Préfecture, avant le 20 octobre.
Etant souffrant et ne pouvant me déplacer, je me permets de faire ma déclaration par écrit et je vous donne ci-dessous des indications sur mon identité :
Nom : Adler (nationalité luxembourgeoise)
Prénom : Marc
Lieu de naissance : Esch-sur-Alzette (Luxembourg)
Date de naissance: 7 8 [19]11
Profession : ingénieur civil des ponts et chaussées
Domicile : 120, Rue Lemerchier Amiens
Famille : célibataire
Veuillez agréer Monsieur l’expression de mes sentiments distingués
M. Adler
Source: AJ 38/5073/2968
Samuel Obeler demande que son nom soit rayé du registre des Israélites sur lequel il avait été récemment inscrit (voyez Fiche # 20)
Amiens, le 15 décembre 1940
Monsieur le Préfet de la Somme
Amiens
Monsieur le Préfet,
A la date du 15 Octobre dernier, et pour répondre au décret du 27 Septembre 1940, ordonnant le recensement de tous les juifs, je me suis fait inscrire sur le registre tenu par les soins de la Préfecture de la Somme.
Or, lors de mon inscription j’avais prévenu que seuls mes grands-parents coté paternels étaient juifs et mes grands-parents maternels étaient non-juifs. Mais il m’était impossible à cette époque de fournir la preuve, ne sachant pas la date de décès de ma mère. C’est ce qui explique que j’ai préféré me faire inscrire tout d’abord, ceci pour me mettre en règle au cas ou je n’aurais pu fournir toute justification.
Après de longues recherches, j’ai pu reconstituer la date du décès de ma mère et je joins à la présente un bulletin de décès de la mairie du 13e arrondissement de Paris. A la lecture de ce bulletin vous verrez, Monsieur le Préfet, que mes grands parents maternels étaient non-juifs. Du reste j’ajoute, que tout jeune enfant, j’avais toujours entendu dire à la maison que mon père avait été chassé par ses parents pour avoir épousé une non-juive. Je suis prêt à attester sous la foi du serment la véracité de ce que j’écris.
Je vous serais très reconnaissant, Monsieur le Préfet, de bien vouloir m’effacer du registre d’inscription des juifs tenu par vos soins. Je dois ajouter que ma femme est catholique, ainsi que mes enfants qui ont été baptisés à l’église St. Jaques à Amiens en 1913.
Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l’assurance de mes sentiments respectueux.
Samuel Obeler
13 Rue Camille Saint Saens
Amiens
Source : AJ 38/5073/2834
Abraham Lewenberg demande permission de continuer son travail de garçon coiffeur malgré la provision de l’ordonnance allemande du 26 avril 1941, qui interdit aux Juifs l’exercice des professions « ayants contact avec le public. » (voyez Fiche # 16)
Amiens le (blanc) juillet 1941
Monsieur le Préfet
Monsieur le Commissaire Central de Police vient de me notifier le texte de l’ordonnance allemande du 26 avril 1941 relatif à l’interdiction d’exercer certaines professions.
Ouvrier coiffeur depuis 25 ans je suis évidemment en contact avec le public, par conséquent, je tombe sous le coup de ces prescriptions, et je vais être contraint de quitter mon travail.
C’est pourquoi, Monsieur le Préfet, je viens faire appel à vos sentiments d’humanité.
Ma profession ne permet pas à mon patron, qui pourtant désirerait ardemment me garder à son service, de me donner un emploi ne nécessitant pas de contact avec la clientèle.
D’autre part, le seul métier que je sache faire est celui de coiffeur, mon état de santé m’interdisant d’effectuer des travaux de force.
En effet depuis 10 ans, je suis un traitement très sérieux en raison d’une ulcération d’estomac en voie d’amélioration.
Je pourrais d’ailleurs fournir le cas échéant un certificat médical et le cliché de la radio prouvant cet état de choses.
J’ajoute que je ne possède aucun revenu en dehors de mon travail, cette interdiction de travailler entrainant inévitablement la misère dans mon foyer ; mon fils âgé de 9 ans ½, naturalisé français devant fort probablement subir une opération en brève échéance.
C’est pourquoi Monsieur le Préfet eu égard à ces considérations, je vous serais très obligé de bien vouloir intervenir auprès des autorités allemandes, pour qu’à titre tout à fait exceptionnel et en attendant que mon état de santé me permette d’exercer un autre métier, je sois autorisé à continuer de travailler chez Mr Rossigny.
Dans l’espoir que vous voudrez bien prendre ma demande en considération, croyez, Monsieur le Préfet, en l’assurance de mes sentiments les plus respectueux.
Lewenberg Abraham
23 rue des Majots
Amiens
Source : AJ 38/5075/4282-4284
En vertu des pleins pouvoirs qui m’ont été conférés par le Führer und Oberster Befehlshaber der Wehrmacht, j’ordonne ce qui suit :
I.
(1) Est considérée comme juive toute personne qui a au moins trois grands-parents de pure race juive. Est considéré comme de pure race juive un grand-parent ayant appartenu à la communauté religieuse juive.
Est considérée ipso iure également comme juive toute personne issue de deux grands-parents de pure race juive et qui
a) au moment de la publication de la présente ordonnance, appartient à la communauté religieuse juive ou qui y entre ultérieurement; ou
b) au moment de la publication de la présente ordonnance, a été mariée avec un juif ou qui épouse ultérieurement un juif.
En cas de doute, est considérée comme juive toute personne qui appartient ou a appartenu à la communauté religieuse juive.
(2) Le para 1 de l’Ordonnance du 27 septembre 1940, relative aux mesures contre les juifs (VOBIF p. 92) est abrogé.
Source : AJ 38/5072/1060
Armand Dreyfus, propriétaire spolié des Nouvelles Galeries Modernes à Cayeux-sur-Mer, écrit au Préfet de la Somme pour que lui et sa femme Fanny Dreyfus puissent rester dans leur appartement même si l’affaire auquel leur logement était contigu vient d’être « aryanisé. » (voyez Fiche # 3 et 4)
Cayeux-sur-Mer, le 11 Mars 1942
Monsieur le Préfet,
J’ai l’honneur de porter à votre connaissance la mesure qui me frappe et dont je suis avisé ce jour 11 Mars par Monsieur Bourdelique administrateur provisoire qui me met en demeure de quitter mon logement dans un délai de deux mois.
En vous exposant ma situation, je pense que vous pouvez intervenir pour faire abréger cette mesure qui me paraît d’une bien grande sévérité.
Je suis âgé de 70 ans, Français doublement Français en qualité d’Alsacien de Parents et Grand Parents de souche Alsacienne. Mobilisé 52 mois de 1914 à 1919, j’ai un fils prisonnier de guerre en Allemagne.
Depuis 30 ans je suis seul locataire et propriétaire de cet immeuble qui jamais m’a été pour moi d’aucun rapport.
Mon commerce a été liquidé entièrement par Monsieur Bourdelique administrateur provisoire et la maison est maintenant fermée.
J’ose espérer que vous voudrez bien prendre ma demande en considération et dans cette attente veuillez agréer Monsieur le Préfet l’assurance de ma considération respectueuse et distinguée.
A Dreyfus (signé)
A. Dreyfus
195 Rue du Maréchal Foch
Cayeux sur Mer
Source : AJ 38/5084/0119
L’Abbé Loridan intervient pour une famille de juifs polonais établie à Bouquemaison
Diocèse d’Amiens
Archiprêtré de Doullens
Paroisse de Bouquemaison
le 27 aout 1942
Monsieur le Directeur,
Affolé par une convocation au sujet de leur jeune fille venant de la préfecture de police de Paris, la famille Rakhowitz vient me demander conseil et je me permets de répondre moi même –
Par une permission datée du 13 Janvier 1942 la famille entière a été autorisée à venir habiter à Bouquemaison, la jeune fille de 19 ans ne pouvait donc répondre à la convocation des services de Paris.
Qu’y a-t-il lieu de faire ? – j’écris au bureau 93 pour lui dire que c’était impossible et que je vous en avisais. J’espère que vous pouvez lui éviter les catastrophes – il est inadmissible que des anciens combattants – blessés 2 fois et cités soient persécutées à ce point – la jeune fille – aujourd’hui est démoralisée –
En m’excusant de vous importuner je vous prie de croire à mes sentiments respectueux.
signé Loridan
Abbe B. Loridan
Source : AJ 38/5078/1529, 1530
Lettre du Sous-Préfet de Péronne au Préfet de la Somme relative à la réception par Schlomo Rubin des insignes de l'étoile jaune (voyez # 29)
Etat Français
Sous-Préfecture de Péronne
Péronne, le 11 Juin 1942
Comme suite à votre lettre du Ier Juin courant, relative à la remise aux Israélites de l‘insigne spécial, j’ai l’honneur de vous faire connaître qu’en exécution des prescriptions de la Circulaire de l’Ambassadeur de France, Secrétaire d’Etat auprès du Gouvernement en date du 30 Mai 1942, trois exemplaires de l’insigne ont été remis le 4 Juin 1942 au refugié Russe RUBIN Schlomo, chimiste, demeurant à
EPENANCOURT, qui a fait l’objet de mon rapport du 4 Juin courant.
Vous voudrez bien trouver, sous ce pli, le point de textile qui m’a été remis par l’intéressé en échangé de l’insigne, ainsi que les 6 insignes reçus en surnombre, aucun autre Juif ne s’étant présenté à la Sous-Préfecture dans les délais prescrits.
Le Sous-Préfet,
signé
Source : AJ 38/5072/1185
Raymond Schulhof remercie le Préfet dans une lettre du 14 septembre 1942 pour des efforts réussis à obtenir la libération de deux de ses enfants du camp de concentration. (Voyez # 31 et # 34)
Amiens, 14 septembre 1942
Monsieur le Préfet,
Je tiens à vous exprimer toute notre reconnaissance et nos remerciements ainsi qu’à vos collaborateurs, pour les nombreuses démarches si généreuses que vous avez bien voulu entreprendre et qui ont abouti à la libération de nos enfants, Pierre et Jacqueline Schulhof, que nous sommes allés chercher au camp de concentration de Pithiviers le douze septembre dernier.
Nous n’oublierons jamais la compréhension que vous avez apportée tous à notre douloureuse situation et l’aide que vous n’avez pas hésité à nous accorder de tous vos moyens.
Veuillez agréer Monsieur le Préfet l’assurance de ma haute considération et de notre entier dévouement.
R. Schulhof
14 rue Albéric de Calonne
Amiens
Source : AJ 38/5075/4379
Le Préfet de Police à Paris au Préfet de la Somme concernant le sort de Georges Wolff (voyez Fiche # 42 et # 43)
Paris, 12 Décembre 1943
Monsieur le Préfet
J’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien aviser Madame WOLFF, [villa] « Les Cytises», que son mari, Georges Lucien, interné à Drancy, à été déporté le 10 Novembre 1942.
signé, pour le Préfet de Police,
le Secrétaire Général
Source: AJ 38 5072/4516
Une lettre concernant la requête de Lucien Aaron, survivant, pour une carte d'interné, 1966 (Voyez Fiche # 1)
Amiens, le 11 Décembre 1966, Fédération Nationale des Déportés et Internés, résistants et patriotes, 10 Rue Leroux, P A R I S (XVIe)
Chers Camarades,
A la suite de nos appels dans la presse concernant la levée des forclusions, j’ai été appelé la semaine dernier à rendre visite, sur sa demande, à un camarade interné. Ce camarade est Israélite, il est très connu à AMIENS, c’est un membre du bureau de l’A.D.I.F.
Il m’a soumis son cas, après l’avoir exposé vainement aux responsables de l’A.D.I.F. Je dois ajouter que ce camarade est un partisan de l’unité et que son action a pesé jadis dans la balance. Il en est autrement maintenant, il n’assiste plus aux réunions, il est âgé de 88 ans.
Ce camarade AARON, Lucien, ne le 22 avril 1878, a été interné comme juif au camp de Drancy du 4-1-44 au 5-2-44 – M1e 17.701. Etant donne
qu’il était déjà âgé a l’époque et qu’il était marié avec une aryenne, chose qu’il a fait valoir, il a été transféré de Drancy au camp de LAMBLARDIE – 7 Rue de Lamblardie à PARIS – annexe de Drancy dit il, du 5-2-44 au 15-6-1944. Du 15-6-1944 au 5-9-44 en résidence forcée au camp des Abondances, 11 Rue des Abondances à BOULOGNE-SUR-SEINE. Il a été libéré à cette date.
Il a fait une demande de carte d’interné à laquelle une décision de rejet No. 1550 du 8-4-1955 a été opposée. Il n’a pas fait appel à cette décision.
La décision de rejet est motivée par le fait que ce camarade n’a pas 3 mois internement, la commission ne retenant que la période passée au camp de Drancy.
Il affirme que le camp de Lamblardie était une annexe de Drancy et que des convois pour la déportation sont parties de ce camp.
J’ai fait valoir à ce camarade qu’il n'était pas possible pour lui d’établir un nouveau dossier suite à la levée des forclusions et aussi qu’il aurait du faire appel à la décision de rejet de sa première demande de carte. Je lui ai promis néanmoins que j’interviendrai pour savoir comment était considéré le camp de Lamblardie et si nous avions connaissance d’autres camarades qui étaient dans son cas.
C’est un brave homme. Je suis resté 2 heures chez lui et je l’ai vu pleurer en me racontant toutes les vexations endurées avant son arrestation et ses souffrances et ses angoisses pour les siens, il avait 4 enfants qui ont réussi à se cacher. Je répète qu’il est très connu à AMIENS et dans le département, il a eu pendant un certain temps un rôle important au sein de la communauté juive.
Je ne sais ce que l’on peut faire pour lui; tout est sans doute en direction de ce camp de Lamblardie. Vous pourriez sans doute vous renseigner à ce sujet et me mettre à même de lui faire connaître la suite que nous pourrons donner à son cas.
Avec mes remerciements, je vous prie de croire, Chers Camarades, à mes sentiments amicaux.
Non-signé mais à juger d’autre correspondance cette lettre serait de la main de Camarade BOEN
Source: Archives de l’ADIRP
FIN
Lettre de dénonciation du docteur Benjamin Wajnberg de Rosières en Santerre
(voyez Fiche # 38)
Rosières, le 13 Novembre [19]40
Monsieur,
Je me permets de vous écrire pour vous signaler que le docteur Wajnberg, sujet étranger est un juif et qu’il continue ses visites, malgré l’interdiction aux médecins étrangers d’exercer leur profession.
Recevez, Monsieur, mes sincères salutations
[Signature difficile à déchiffrer]
Source: AJ 38/5073/2969
Gaston Villar, résidant d’Ault sur la côte picarde, sollicite permission d’aller à Paris pour assister à un mariage (voyez Fiche # 36)
Ault, le 10 octobre 1941
A Monsieur le Préfet de la Somme, Amiens
Monsieur le Préfet,
Soumis à la nouvelle réglementation de séjour, à cause de mon ascendance juive, je viens vous demander, si je peux, dans ces conditions me rendre librement à Paris.
Sinon, je sollicite de votre haute bienveillance, l’autorisation de pouvoir me rendre à Paris du 22 au 28 octobre.
Motif – J’ai promis, antérieurement, d’assister comme témoin au mariage de ma nièce (cérémonie, d’ailleurs, entièrement catholique). De plus, j’ai un oncle âgé de 86 ans, qui en tombant, vient de se casser l’humérus et que je désirerais aller voir.
Dans l’espoir d’obtenir une réponse favorable, je vous présente, Monsieur le Préfet, mes respectueuses salutations.
[Dans une écriture plus petite, comme pour une note]
Ma femme doit m’accompagner mais elle est aryenne.
Villar Gaston
8 Rue de Paris à Ault
né a Lille le 12 décembre 1878
AJ 38/5075/4501
Jeanine Coinon écrit au Préfet le 22 octobre 1941 pour essayer de se faire rayer de la liste des israélites (voyez Fiche # 8, sans photo)
Monsieur le Préfet de la Somme,
Suivant votre réponse du 18 courant à ma demande du 13 octobre relative à ma radiation de la liste des israélites, j’ai le regret de vous faire savoir que je ne puis vous fournir le certificat de baptêmes de mes grand parents car malheureusement pour moi ces derniers étaient israélites.
La seule qualité que je l’espérais pouvait justifier ma demande est celle d’être française et fille d’un ancien combattant de la guerre 14/18.
Si cette qualité ne suffit pas je sollicite de votre bienveillance un assouplissement aux obligations de contrôle étant donné que je suis mariée avec un Aryen depuis 12 ans et mère de 2 enfants ; et j’attire tout particulièrement votre attention sur ce cas spécial qui existe en Allemagne et qui ne subit pas les mêmes rigueurs imposés aux israélites.
Espérant Monsieur le Préfet que vous voudrez bien étudier et transmettre à la Feldkommandantur ma requête avec un avis favorable. Je vous prie de croire Monsieur le Préfet à l’expression de mes sentiments les plus respectueux.
J. Coinon (signé)
Jeanine Coinon, née Mahlberg
32, rue Emile Zola – Amiens
Source : AJ 38/5072/1728
Rosa Doubchak écrit au Préfet le 2 juillet 1941, relative à l’arrestation de son mari. (Voyez Fiche # 9)
Monsieur le Préfet,
J’ai l’honneur de solliciter de votre bienveillance votre appui auprès des autorités Allemandes dans l’espoir d’obtenir la libération de mon mari qui a été arrêté le 22 Juin 1941 et envoyé dans un camp de concentration à Compiègne et dont voici quelques précisions de sa qualité –
Mon mari qui est âgé de 40 ans est russe blanc d’origine et se nomme Leib Doubchak. Il est apatride et réside en France depuis 1905. Etant donné sa condition de Russe blanc je suppose qu’il doit y avoir une interprétation erronée dans son arrestation.
C’est pourquoi Monsieur le Préfet je me permets de vous adresser cette requête pour tenter d’obtenir sa liberté même sous conditions de surveillance ou obligation de répondre ou de se présenter sur ordre aux autorités Allemandes.
Dans l’espoir que vous voudrez bien examiner ma demande avec indulgence je vous prie d’agréer Monsieur le Préfet avec mes remerciements l’assurance de ma haute considération.
Mme Lev Doubchak
30 rue Contrescarpe
Amiens
Source : AJ 38/5072/1777, 1778
Robert Szentgyorgyi fournit les précisions demandées aux Juifs selon la Loi du 2 Juin 1941. (Voyez Fiche # 35)
Amiens, le 30 juin 1941
Au Préfet de la Somme
Monsieur le Préfet
Je soussigné, Robert Szentgyorgyi, né le 25 Janvier 1900 à Budapest, nationalité hongroise, demeurant à Amiens, 79 Boulevard Pont Noyelles, marié à Villers-Cotterêts (Aisne) le 24 Décembre 1928 à une française et ayant 2 enfants français, exerçant la profession de chef de chantier en bâtiment, déclare qu’en regard à la Loi du 2 Juin 1941 je suis israélite.
Je suis en France depuis 20 ans et je ne possède ni en France ni ailleurs, aucun bien ou argent, vivant du produit de mon travail.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Préfet, mon profond respect.
Robert Szentgyorgyi
Amiens, le 30 Juin 1941
Source : AJ 38/5075/4497
Le Préfet de la Somme répond à un autre responsable relative à la situation de Mme Nadine Kasmine, le 7 aout 1942 (voyez Fiche # 11)
Le Préfet de la Somme à Monsieur J. P. Plichon, Députée du Département du Nord,
Premier Adjoint au Maire de Bailleul, 7 aout 1942
Monsieur le Député,
En appelant mon attention sur Mme KASMINE, née SOBOL, Nadine, demeurant 131, rue Delpech à Amiens, vous m’avez fait part des inquiétudes que vous éprouviez au sujet du sort qui pourrait lui être réservés, dans le cas ou seraient prises de nouvelles mesures a l’encontre des juifs étrangers.
J’ai l’honneur de vous faire savoir que l’intéressée, quoique d’origine polonaise, a été recensée par mes services comme Israélite de nationalité française, du fait de son mariage avec un aryen, naturalisé français.
En conséquence, Mme KASMINE ne tombe pas sous le coup des prescriptions des autorités allemandes, relative à la déportation des étrangers.
Veuillez agréer, Monsieur le Député, l’assurance de ma considération distinguée.
Le Préfet de la Somme
Source: AJ38/5075/4241
Mme Louria demande la libération de son mari, Léon Louria, président de la communauté israélite d’Amiens et du département de la Somme, emprisonné pour ne pas avoir porté l’étoile jaune de façon « règlementaire » (voyez Fiches # 17 et # 18)
Amiens le 28 juin 1942
Monsieur le Préfet
Mon mari Léon Louria arrivé en France en 1898 engagé volontaire pendant la guerre de 1914-1918 dans l’infanterie, reformé pour emphysème pulmonaire, naturalisé français en 1922, appartient comme moi à la religion israélite. Il occupait les fonctions de président de la communauté israélite d’Amiens et du département de la Somme.
Le 17 juin courant, mon mari a été appréhende dans la rue de l’Amiral Courbet à Amiens par des membres de l’armée d’occupation qui l’ont aussitôt fait incarcérer à la maison d’arrêt d’Amiens après lui avoir fait remarquer que l’insigne imposé aux Israélites n’était pas cousu sur son veston et n’était pas disposé règlementairement.
Le lundi suivant la police municipale d’Amiens est venue enquêter à notre domicile rue des Augustins No 17 à Amiens. Depuis mon mari se trouve toujours à la maison d’arrêt où il attend la décision de l’autorité occupante.
J’ai l’honneur de vous exposer respectueusement que l’état de sa santé déjà compromise depuis quelque temps et susceptible de s’aggraver si le séjour en prison devait se prolonger.
Mon mari est âgé de 61 ans. Il souffre d’une affection des bronches qui exige des soins constants et des précautions afin d’éviter tout refroidissement.
Je ne doute pas que les informations que vous pourrez recueillir à son sujet ne vous le représentent comme un bon Français, ayant toujours scrupuleusement observé les lois de son pays d’adoption.
Si l’affaire qu’il a dirigée a atteint une grande prospérité cela tient uniquement à son travail acharné, à sa correction commerciale, et à la collaboration excellente qu’il a pu obtenir de son personnel grâce à sa loyauté, et à sa large compréhension des besoins des travailleurs. La plupart de ses employés comptent au moins 15 ans de service dans son établissement qui n’a jamais connu de grève. Le président du syndicat patronal de l’habillement Mr. Audie Lefèvre vous témoignera lui même de l’exactitude des indications qui précèdent.
J’aouterai que les gestes de libéralisme accomplis par mon mari envers tous ceux qui ont eu recours à son aide pécuniaire lui ont valu l’estime de nombreuses personnes n’appartenant pas à la confession israélite.
Nous avons trois enfants deux filles et un garçon qui ont fait leur études dans les lycées d’Amiens.
Je me permets Monsieur le Préfet d’appeler votre haute attention sur le caractère relativement peu grave de l’infraction qui peut être reprochée à mon mari.
Peut-être consentiriez-vous eu égard à son passé de correction et de dignité à tenter une intervention auprès des autorités occupantes afin qu’il soit mis une terme à la détention qu’il subit dans des conditions particulièrement pénibles étant donne le rigueur cellulaire de la maison d’arrêt.
Sans aucun doute mon mari ne pourra physiquement résister à une prolongation de séjour dans cet établissement.
Si les autorités d’occupation tiennent à posséder des garanties au sujet de mon mari il leur est facile de se rendre compte de sa solvabilité qui est bien connue.
Je dois aussi vous signaler que mon mari n’a jamais fait aucune politique.
Je sollicite donc, Monsieur le Préfet, le geste de bienveillance qui permettrait à mon mari de reprendre sa place au foyer familial et dans cet espoir au nom des mes enfants et du mien je vous prie Monsieur le Préfet de vouloir agréer avec tous nos remerciements anticipés l’hommage de notre profond respect
M[arguerite] Louria
Source : AJ 38/5072/2723-2725
Instructions du Préfet de la Somme aux membres de la Gendarmerie nationale de procéder à l’arrestation d’Israël Pilcer, juif polonais, ouvrier agricole demeurant à Quevauviller (Somme). (Voyez Fiche # 21)
GENDARMERIE NATIONALE, 2me Région, Compagnie de la Somme, Section et
Brigade d’Amiens
« Ce jourd’hui, dix neuf février mil neuf cent quarante trois à dix huit heures, nous soussignés VINCELET « Charles » et RETY « Robert », gendarmes à la résidence d’Amiens, Département de la Somme, porteurs d’une lettre de Monsieur le Préfet de la Somme, en date du 19 Février 1943, à l’effet de procéder à l’arrestation, en vertu d’un ordre d’internement du nommé PILCER Israël dit « Joseph » né le 3 Janvier 1897 à Pelice (Pologne), ouvrier agricole juif polonais, demeurant à Quevauviller (Somme) nous nous sommes rendus dans cette localité où l’intéressé a été découvert.
Appréhendé immédiatement, il a déclaré :
« L’ordre d’internement dont vous me donnez lecture, s’applique bien à moi. »
Lecture faite persiste et signe.
En conséquence, nous avons déclaré à Pilcer que nous l’arrêtions au nom de la Loi, pour être conduit au Camp d’internement du Drancy.
Fouillé au moment de son arrestation il a été trouvé en possession de sa carte d’identité…de sa carte de rationnement, …et d’un portefeuille renfermant 5.135 francs plus une montre en acier oxidé. Fouille reconnue exacte et signée par Pilcer sur notre carnet de déclarations. [Les noms de ses parents indiqués, il est porté « marié sans enfants. »]
« Pilcer s’est muni de deux couvertures, de cuillère et fourchette, d’un quart et du linge et vêtements de rechange. »
[Son apparence physique est décrite en détail ainsi que ses vêtements]
Source: AJ 38/5077/581, 582