Je suis heureux d’avoir été contacté récemment par Mme Carlota (Lotti) Halpern de Kansas City, Missouri. Mme Halpern m’avait téléphoné auparavant pour me dire qu’elle avait des photos de famille où figuraient ses arrières grands-parents Jacob et Charlotte Katzenelle.* Les Katzenelle étaient des réfugiés juifs en France, originaires de Pologne, puis d’Allemagne et d’Autriche, résidant à Amiens entre 1938 et 1940. J’ai constaté, selon un document du commissaire de police d ‘Amiens, que le couple, en compagnie d’autres juifs réfugiés de l’Est, avaient été expulsés d’Amiens au début de décembre 1940 et furent chassés vers l’intérieur du pays. (voir pour plus de renseignements “Refugees from the East” http://www.jewsofthesomme.com/new-page ).
Je savais, d’après le Mémorial de la Shoah, que Jacob et Charlotte Katzenelle ayant survécu jusque là, furent alors arrêtés à Paris, Place du Danube dans le 19ème arrondissement aux alentours du 1er février 1944, date de leur incarcération à Drancy et furent déportés de Drancy à Auschwitz Birkenau le 3 février avec le convoi no. 67. A ce moment Jacob avait 73 ans, Charlotte 72.
La photographie communiquée par Lotti Halpern et publiée avec sa permission représente le couple entouré de leurs enfants, à une date située probablement entre 1915 et 1920. Les parents sont assis. Debout de gauche à droite figurent leurs trois premiers enfants : Dorothea (Dora), Heinrich, et Bernhard (Beno) Katzenelle, tous nés à Stanislaw en Pologne, lieu natal de Jacob. Au centre se trouve en costume de marin Karl Katzenelle né à Munich en 1905. Les identifications écrites accompagnent la photo telle qu’elle m’a été transmise par Mme Halpern.
Dans les années 1930, les trois fils Katzenelle émigrèrent en Argentine. Charlotte et Jacob restèrent à Vienne probablement jusqu’à l’annexion de l’Autriche par les Nazis. Ensuite, ils s’installèrent en France, à Amiens, peut-être après un bref séjour à Paris. Leur vie à Amiens ne nous est connue que de façon fragmentaire.
Ce document de la préfecture a été rempli par Jacob Katzenelle lui-même pour lui et Charlotte, le 23 novembre 1940, deux semaines avant leur expulsion d’Amiens. Il déclara qu’au cours de leur résidence dans la ville picarde, ils reçurent de l’aide financière de leurs enfants qui résidaient à Buenos Aires. L’adresse amiénoise mentionnée est le 6 rue Porion, qui semble également être la résidence permanente de Khanane et Taube (Grinfeder) Levine, mais les Katzenelle résidaient auparavant, au 11 rue Pierre l’Hermite.** Concernant cette rue-ci dans l’histoire de la Shoah à Amiens, voir en bas de cette page l’article de blog “Les Réfugiés Juifs dans la Somme : un devoir de mémoire non satisfait”. Bien qu’il y ait plusieurs fautes d’orthographe sur le formulaire qu’ils avaient rempli, on a l’impression que Jacob Katzenelle fut, avec une certaine modestie, fier de ses compétences linguistiques ainsi que de sa judéité. Il “affiche” comme « nationalité » : « israélite ex- autrichien ».
Qu’a vécu ce couple entre son expulsion d’Amiens en décembre 1940 et son arrestation à Paris en février 1944 ? On espère trouver plus de preuves.
* Le nom de famille s’orthographie de plusieurs façons : Katznell, Katzenell en sont deux autres. J’ai adopté “Katzenelle” parce que c’est la forme qu’il emploie lui-même sur les documents de l’époque.
** 11 rue Pierre l’Hermite est encore spécifié dans le “Registre des Déclarations Israélites” en octobre 1940 (voir la page “Compulsory Registration”).