Nous n’avons aucune photographie de Paulette Kahn, fille de Fernand et Germaine Kahn, arrêtée avec eux à Paris et déportés ensemble à Auschwitz dans le Convoi No. 72 du 29 avril 1944. Comme Cécile Redlich et Jeanine Khaïete, autres jeunes martyrs (mais pour lesquelles il existe des photos) elle avait été scolarisée à Amiens, et n’a quitté la ville qu’entre 1940 et 1942 pour aller habiter avec ses parents et ses sœurs 40, rue Condorcet dans le 9ème arrondissement de Paris.
Nous n’avons pas non plus de photos de ses parents. Fernand, né à Paris dans le 4ème arrondissement en 1881 et Germaine née à Nîmes en 1891, étaient amiénois de longue date. Ils possédaient un commerce de confection pour dames, « la Spécialité Parisienne », rue des Trois Cailloux, sinistré au cours des bombardements de mai 1940.
Pourtant, si nous ne possédons pas de photos des Kahn nous avons quelques témoignages très marquants. Il y a d’abord une lettre écrite par Fernand Kahn au Préfet de la Somme en juin 1942, demandant (en vain) une dérogation à la loi sur le port de l’étoile jaune. La lettre donne un portrait émouvant de cette famille, leurs valeurs, leur patriotisme. (Voir une transcription à http://www.jewsofthesomme.com/new-page-3 )
Puis, Paulette Kahn est mentionnée à deux reprises dans une interview vidéo faite par le Mémorial de la Shoah en 1974 avec Jacques Goldstein, un des survivants du Convoi No. 72. Goldstein, avec son épouse, se trouvaient dans le même wagon à bestiaux que Fernand, Germaine, et Paulette Kahn. Cette dernière, qui avait près de 16 ans, a marqué profondément sa mémoire.
Lorsqu’on lui a demandé pendant l’interview de qui il se souvenait dans le wagon, Jacques Goldstein a d’abord fait remarquer simplement qu’il y avait “Paulette Kahn, avec son père et sa mère”.
Mais, un peu plus tard dans l’interview, en racontant le moment où le convoi entra à Auschwitz, il dit ceci :
« A l'intérieur du wagon c'était le chaos, c'était épouvantable. C'était “À boire ! Soif !” Il n’y avait rien. Il y avait l'histoire de cette tinette qui empestait et il y avait ce... une sorte de chape de plomb. On était là, pas allongés puisque nous on avait un coin de... une paroi... Bref, c'était affreux, tout ce voyage… [serrés ?] … Alors je revois tous ces... Je revois cette petite Paulette Kahn, une gamine, elle avait seize ans, elle s'est mise en maillot de bain ! ça paraît idiot... je.. [et ensuite Jacques Goldstein se frappe le front avec son poing comme si ce souvenir était excessivement douloureux] Des choses... invraisemblables ! Une aut' chantait. Une aut'... Et jusqu'au moment où les wagons se sont ouverts » .
L’interview complète est accessible sur le site du Mémorial de la Shoah en cherchant Paulette Kahn ou Jacques Goldstein. La première fois où il est fait mention de Paulette Kahn se situe aux environs de 1:06:37 et la deuxième aux environs de 1:13:57 de l’interview.
Mes remerciements à Mme Sophie Laure Zana qui m’a beaucoup aidé pour la transcription de l’interview.
J’ai fait un petit discours en vidéo sur Paulette Kahn en anglais pour l’Holocaust Center of Pittsburgh. Voir Part 6 : « Those with no photograph » http://www.jewsofthesomme.com/video-recordings/