Il fut le premier à se conformer à l’ordonnance aux termes de laquelle les Juifs devaient se présenter au Commissariat de Police pour se déclarer, tout en précisant que sa femme et ses deux enfants étaient catholiques. (15 octobre 1940)
Il déclara peu de temps après, le 15 décembre 1940, dans une lettre au préfet Pelletier qu’il devait être lui-même rayé du Registre de Déclarations, ses ancêtres du côté maternel étant, selon ses informations, non Juifs.
Il recevra de Monsieur Léon Louria, Président de la Communauté Israélite de la Somme, une attestation selon laquelle il n’avait jamais été membre de la Communauté Israélite. (12 novembre 1941)
Tout cela ne servit à rien. Il fut maintenu sur toutes les listes des Juifs d’Amiens au Commissariat de Police et de la Préfecture. Représentant de commerce de profession, il travaillait, selon un document en date d’août 1941, comme employé de bureau aux Ets Verdier Dufour, 251 rue de Crimée à Paris, un poste, réel ou inventé, qui devait satisfaire aux nouvelles interdictions pour les Juifs d’occuper des positions d’autorité dans les entreprises ou de pratiquer celles qui nécessitaient un contact avec le public. Faisait-il la navette entre Amiens et Paris ? Il devait résider à Paris selon une source de l’époque. Sa petite fille qui l’a connu après la guerre dans les années 1950 et 1960 se souvenait d’un « grand voyageur ».
Au Commissariat de Police d’Amiens, le 3 juin 1942, Samuel Obeler émargea pour la réception de ses trois étoiles jaunes. Il écrivit le même jour aux autorités pour demander une dérogation du port obligatoire de l’étoile jaune en citant sa nationalité française, son service militaire et sa pension d’invalidité, la confession catholique de sa femme et de ses enfants et en alléguant que son fils, actuellement prisonnier de guerre français en Allemagne, avait été cité à l’ordre du Stalag XIIIA par le Commandant « pour le sauvetage d’une jeune fille allemande. » Bien que le préfet semblât favorable à sa demande, il n’y a aucune preuve que la dérogation fut accordée à lui et aux trois autres juifs amiénois (Ferdinand Kahn, Raymond Schulhof et Lucien Aaron) qui ont sollicité de pareilles exemptions. Les fiches/photos, qu’on connaît, étaient constituées à cette époque, dont une pour Samuel Obeler, mais à part cela aucune documentation le concernant n’apparaît dans la sous-série AJ 38 de juillet 1942 á la Libération. Pourtant, parmi tous les juifs de nationalité française qui avaient signé pour obtenir leur étoile jaune en juin 1942, Samuel Obeler fut pratiquement le seul à avoir échappé à la rafle du 4 janvier 1944. Mais quand? et comment?
Récemment j‘eu le plaisir de pouvoir échanger avec Mme Annie Schneidenbach, petite-fille de Samuel Obeler et fille de Simone Schneidenbach née Obeler. Mme Schneidenbach m’a éclairé sur le sort de son grand-père et de sa famille, y compris sur son mode d’évasion. En 1942, selon le récit familial, Samuel Obeler, agée déjà de 60 ans, avait pris une bicyclette et roulait environ 600 km pour traverser la ligne de démarcation et atteindre le département de la Vienne. Là il a echappé l’arrestation peut-être à l’aide de faux papiers, avant de se joindre à la Résistance. (voir en bas les cartes d’identité)
Madame Schneidenbach a eu également la gentillesse de faire des scans de quelques photos et documents en sa possession et nous donne sa permission de les mettre sur le site de jewsofthesomme.
Sources de l’article : registre de déclarations, sept/oct 1940 AJ 38 5076 569 ; lettre au Préfet Pelletier, 15 décembre 1940, AJ 38 5072-75 2834 ; lettre au Préfet re dérogration étoile jaune, AJ 38 5072 1162 ; “travaille comme employé du bureau Ets Verdier”, Arch. mun. Amiens (rue Riolen), 25 août 1941, 4 H 4 129 ; Jeanne Coinon, née Mahlberg, dont le mari Robert Coinon, libraire, avait émargé pour elle dans le registre d’étoile jaune, a quitté Amiens à la fin de juin 1942 et par cette fugue a échappé, comme Samuel Obeler, à la rafle du 4 janvier 1944. registre d’étoile jaune AJ 38 5072 1207 (voir “Dora Bruder” infra)
Pour une notice politique et biographique sur Samuel Obeler qui fut Conseiller Municipal de la ville d’Amiens entre 1935 et 1940, et puis entre 1945 et 1947, voir l’article de M. Julien Cahon dans LeMaitron en ligne.